de L'EMPLOI au TRAVAIL





LA FIN DE L'EMPLOI : UNE CHANCE POUR LE TRAVAIL ?
par Catherine Courson
Nous sommes passés de l’ère industrielle, caractérisée par la manipulation des objets, à l’ère de l’information, déterminée par le traitement des données et de la connaissance, y compris dans l’industrie qui utilise massivement l’informatique et les télécommunications. Les nouvelles technologies ont accéléré la vitesse de l’innovation et du changement en général, avec la nécessité consécutive de s’adapter : la question n’est pas de savoir s’il faut changer ou pas, mais de savoir comment on gère le changement en cours.
L’organisation du travail héritée de l’ère industrielle, basée sur l’emploi et la définition de postes fixés à l’avance et pour une durée indéterminée, ne fonctionne plus car sa structure même n’est pas évolutive : elle ne permet pas à une entreprise de répondre aux besoins nouveaux de ses clients et de la société, et s’oppose de plus en plus aux besoins de sécurité et de satisfaction de ses employés. Paradoxalement, l’homme devient un frein au développement de son organisation – amenant de l’eau au moulin du libéralisme économique – alors qu’il est son seul espoir d’être opérationnelle, à travers la valorisation et la capitalisation de l’ensemble de ses ressources personnelles. Cependant le champ de ces ressources est à redéfinir et pour cela il est urgent de nous projeter au delà des grilles d’évaluation qui nous rognent les ailes, dénoncées par un nombre croissant de chercheurs(1).

De l’emploi au travail, comment réussir la transition ?
En attendant que les institutions et les entreprises évoluent vers tel ou tel paradigme politico-économique - et afin de hâter l’émergence de celui qui nous convient - nous, citoyens, avons la possibilité de réévaluer notre propre situation. S’il y a de moins en moins d’emplois sur le marché, en revanche les besoins non pourvus de la société et des entreprises sont nombreux dans tous les domaines et représentent une mine de travail inexploitée. Pour y accéder il faut passer par ce que William Bridges appelle le dejobbing ou ‘’désemploi’’, une passerelle qui mène de l’emploi, souvent associé à une vision aliénante du travail/tripalium, à une réhabilitation du travail en tant qu’activité humaine fondée sur un sens. L’emploi défini par une organisation, auquel le titulaire doit s’ajuster tant bien que mal, fait place au travail sur mesure pour les deux parties : il se construit à partir d’une approche innovante de l’identité et des qualifications du travailleur qui ajuste ensuite ses prestations aux besoins réels de l’entreprise ou de l’environnement ciblé. Un mode de travail favorable au développement de l’intelligence collective et des réseaux.
Notre société de marché couve une bonne dépression qui, sous couvert d’une crise économique, révèle une crise du sens… Il semble que ni la croissance, ni la consommation, ni la diversité de nos systèmes d’assistance ne soient en mesure de la résoudre. C’est une grande opportunité pour passer d’un sauve-qui-peut économique inutile et déprimant à une approche basée sur le rôle créatif des individus dans une société en mouvement. Le sentiment de sécurité qui nous est si nécessaire se construit d’abord de l’intérieur : c’est en donnant à chacun les moyens d’accroître son autonomie que nous répondrons à ce besoin vital et construirons une société confiante dans ses ressources d’avenir.
décembre 2014, article inspiré par les travaux de William Bridges, expert en transitions organisationnelles et individuelles(2)

Références :
(1)‘’Derrière les grilles : sortons du tout-évaluation’’, ouvrage collectif sous la direction de Barbara Cassin, éd. Mille et Une Nuits
(2) Creating You & Co, de William Bridges (non traduit) et du même auteur : ‘’Transitions de vie’’, InterEditions