LE REVENU DE BASE

Commentaire 2022 : Une proposition définitivement mise à mal par sa sinistre caricature, le Revenu Universel, fleuron du Forum Économique Mondial, destiné à nous permettre de "ne plus rien posséder et être heureux", autrement dit "possédé et malheureux"...


Le revenu de base inconditionnel
pour pouvoir travailler librement
par Mathieu Despont

La première réaction de chacun à la découverte du revenu de base inconditionnel est souvent : « Plus personne ne travaillera ! » En y regardant de plus près, il est possible de voir que le revenu de base inconditionnel n’est pas contre le travail, au contraire. Il favorise de nombreuses activités que le système actuel ignore.
Plus personne ne travaillera ? Vraiment ? Le revenu de base inconditionnel nous pousserait à passer notre vie sur une chaise longue ?
Depuis la nuit des temps, l’humain aime inventer, créer, se lancer des défis, monter des projets. Rester couché sur une chaise longue fait surtout rêver quand on vit à un rythme effréné et/ou qu’on déteste son travail. Quand on a la possibilité de choisir ce que l’on veut vraiment faire de sa vie et pas dans la vie, la chaise longue ca va un moment, au début. Puis on se lasse.
RBI : Revenu de Base Inconditionnel, par Malizia
Une question de motivation
Le psychologue Maslow a démontré qu’il existe une progression des besoins. Il les a représentés sous forme d’une pyramide. Lorsque les besoins de base sont satisfaits, de nouveaux besoins apparaissent. Ce sont de nouvelles motivations qui nous poussent à avancer dans la vie. Dans notre société, trop de citoyens ont des difficultés à assurer leurs besoins de survie et de sécurité, besoins qui sont à la base de la pyramide. Ainsi il est normal que le citoyen lambda ne voie pas d’autres motivations dans la vie que la satisfaction de ces besoins de base. Quelles motivations poussent un milliardaire à avancer dans la vie ? J’observe que de nombreux milliardaires travaillent. Ils sont motivés par les besoins d’estime et d’accomplissement de soi qui occupent le haut de la pyramide de Maslow. Le revenu de base inconditionnel permet de combler le besoin de survie de tout le monde. Ainsi il permet à l’entièreté de la société de s’ouvrir à de nouvelles motivations.

Sortir du conditionnement de la survie
Le progrès technique et l’automatisation nous offrent une productivité suffisante pour sortir de l’ère de la survie où tout est rare. Mais nous sommes toujours englués dans un mode de pensée de survie : « celui qui ne travaille pas ne mange pas ». Notre enfance a été bercée par des fables vieilles de trois siècles comme La Cigale et la Fourmi. Il est temps d’avoir une pensée adaptée à notre époque. L’économiste Yann Moulier-Boutang[1] lance une piste : « Entre les figures de la cigale insouciante et de la fourmi industrieuse, s’interpose celle de l’abeille : son travail de pollinisation ne crée pas de valeur directe, mais aucune production ne pourrait exister sans lui. De même, chacun, par ses activités quotidiennes les plus anodines, participe indirectement à l’économie. » Il faut donc comprendre ici le mot économie dans son sens premier : « les règles de vie en communauté » et non dans son sens réducteur d’ « économie marchande ». Notre société a tendance à tout vouloir placer sous l’angle de l’économie marchande. Ainsi, même le statut social d’une personne dépend souvent de son emploi, de sa contribution à la société via une activité rémunératrice. Il serait temps de laisser les individus choisir leurs moyens de contribution à la société (dans ou hors l’emploi) et d’ainsi considérer les personnes pour ce qu’elles sont et non pour la place qu’elles occupent. En conservant de vieux schémas, on se limite à fonctionner en économie de survie. Une économie destinée à produire toujours plus, produire trop ; et nous laver le cerveau avec la pub pour consommer plus, consommer trop. La justification de ce système est souvent d’offrir des emplois. Quand on ne sait pas faire autrement, on continue avec les vieilles recettes connues. Mais l’économie du futur, bien que marginale, est déjà là. Le revenu de base inconditionnel nous permettra d’y entrer pleinement.
L’économie du futur
L’économie collaborative balbutiante montre déjà un potentiel énorme. Mais souvent, elle fait peur car elle menace des emplois (exemple : l’hôtellerie veut la peau du site de partage de logements AirBnb). L’emploi n’est qu’une des formes du travail : c’est le travail rémunéré. D’autres formes de contribution à la société existent. Le revenu de base inconditionnel n’est pas contre le travail, au contraire. C’est le système actuel qui se limite à ne valoriser que l’emploi comme forme de travail. Un système incluant un revenu de base inconditionnel favorise toutes les formes de travail, du travail domestique au bénévolat en passant par l’emploi rémunéré.
Avec l’arrivée d’outils comme l’imprimante 3D, le monde de la fabrication d’objets change. Il va ressembler de plus en plus au monde de la création de logiciels. Dans ce monde, la production est l’œuvre d’une communauté de cocréateurs. Dans l’agriculture, on observe aussi une tendance à la collaboration, avec l’agriculture contractuelle de proximité (comme les AMAP). Cette forme d’agriculture engage les consommateurs à participer à la production de leur nourriture. La permaculture va encore plus loin : c’est la collaboration avec les plantes, les animaux et l’habitat au service de l’économie du vivant. Un travail très utile mais peu rémunérateur. Le revenu de base inconditionnel permet ce travail. L’économie du future sera collaborative, de pensée globale, mais d’action locale[2]. Elle sera ainsi plus écologique, plus sociale et plus efficace. En effet, le revenu de base inconditionnel permet de transformer facilement une passion en contribution à la société. Sachons saisir cette chance de n’avoir plus que des gens passionnés par leur travail. Devenons tous des abeilles pollinisatrices.
article extrait de L’inconditionnel, le journal sur le revenu de base, décembre 2014, téléchargeable gratuitement
http://linconditionnel.info/

[1] Yann Moulier-Boutang, L’Abeille et l’économiste
[2] Article sur l’économie collaborative, page 8 de L’Inconditionnel